Symposium écrire en dialoguant – Wortwechsel – Writting as Dialogue

[Translate to Französisch:] Jo Lendle, eine Zeichnung von Jennifer König

L’écriture est tradi­ti­on­nel­lement perçue comme une activité solitaire, silen­cieuse. Et si, en fait, le dialogue était partie intégrante du processus d’écriture ? Et si ce dialogue se reflétait dans le texte? La question se trouvait au coeur du colloque inter­na­tional WORTWECHSEL – ÉCRIRE EN DIALOGUANT – WRITING AS DIALOGUE, qui s’est tenu à Bienne du 24 au 26 novembre 2016. Organisée dans le cadre du projet de recherche « Schreiben im Zwiege­spräch », de la Haute école des arts de Berne – pôle de recherche inter­mé­dialité, la conférence a rassemblé des chercheurs, chercheuses, auteurs, autrices, traducteurs, traductrices, éditeurs, éditrices d’Allemagne, de France, de Grande Bretagne, des États-Unis, du Canada, de Suisse et d’Autriche. Les diffé­rentes présen­tations se sont tenues en trois langues et ont été relatées dans un blog éphémère et polyglotte, par des étudiant-e-s et colla­bo­rateurs/​trices de l’Institut littéraire suisse.

En voici quelques extraits:

WAS IN DER KAFFEEPAUSE DAS HAUS VERLÄSST:

oben
etwas
haar
dann
vor
allem
carbon­fasern
verschmolzen zu
einem roten cello-
koffer der glänzt
wo er sich wölbt
und platz lässt für
schnecke griffbrett
steg unten noch ein
stück mantel etwas
jeans und stiefel
beim gang über
die strasse

Alexandra Zysset

 

De parfaits wreaders

La performance du texte commence dans la salle: il faut monter sur une chaise et pousser des deux mains le beamer pour les mots de Jerome Fletcher  soient projetés sur l’écran plutôt que sur la table qui sert de support au texte de sa présen­tation. Puis c’est au micro de faire monter la tension avec une légère mais persistante menace de larsen dans les graves: on se croirait dans un film de David Lynch. Alors les lumières sont éteintes, rallumées, baissées au minimum. Dans la pénombre, Jerome fait remarquer que l’important, c’est qu’on voie les mots, pas lui.

Un texte numérique a besoin d’une machine numérique pour être produit. Mais le contraire n’est pas vrai: on peut utiliser une machine pour composer un texte qui sera imprimé. Pour qu’un ordinateur puisse produire un texte, pour qu’il puisse nous inviter à participer à son élabo­ration et devenir de parfaits wreaders le temps d’une performance, il a besoin d’un autre texte, d’un pré-texte: le code, mystérieux, que personne à part les initiés ne sait lire. Le code qui n’a qu’un seul sens: ce qu’il fait. Le code qui nous dit, qui formate nos actions et nos compor­tements. Le code, à lui seul une œuvre d’art.

Toutes les voix qu'il pourrait écrire

La traduction, c’est apprendre à écrire sous des contraintes extrêmes, apprendre à repousser les frontières de sa propre langue comme l’auteur l’a fait avec la sienne en lui donnant la forme de ce qu’il avait à dire. La traduction ouvre les possibles: l’écrivain cherche sa voix, le traducteur explore toutes les voix qu’il pourrait écrire. La traduction, c’est retrouver la séquence à travers laquelle les infor­mations doivent arriver au lecteur. La traduction, c’est quinze pour cent de travail avec l’original et huitante-cinq pour cent à se débattre avec la langue cible. Et puis il y a cette phrase de Robert Walser que Susan Bernofsky essaie de retrouver, cette phrase si belle qui parle d’oiseaux et qui avait été si bien traduite.

Les exercices que Susan donne à ses étudiants de Columbia sont extrê­mement pratiques. Par exemple, des pages avec une version en anglais en haut et une version dans une autre langue en bas: découvrir quel est l’original. Il y a souvent de grandes discussions et un texte où tout le monde ou presque tombe dans le panneau: Pour qui sonne le glas, d’Hemingway. Parce que l’intrigue se déroule en Espagne et que la langue de l’original est inhab­i­tuelle, rigide, alors que c’est justement dans la traduction qu’on s’attend à trouver des faux plis. Vous savez, il faut jouer franc jeu avec les étudiants: en définitive, on essaie de leur enseigner quelque chose dont on ne sait pas bien ce que c’est.

Pierre Fankhauser